Nouveau virus, même système!
Par Le comité éditorial d’Aléas
L’année 2021 tirant à sa fin, les désagréments causés par la pandémie ont eu le temps de s’estomper pour mieux revenir avec le variant omicron. Alors que le gouvernement vient d’à nouveau fermer les écoles, les gyms et les bars, on recommence à entendre parler de confinement et de couvre-feu. Néanmoins, différents enjeux - passés et nouveaux - sont encore bien présents: certaines personnes refusent toujours de se faire vacciner au nom d’une certaine liberté individuelle, les États annoncent des mesures discriminatoires pour limiter les déplacements - dont le fameux passeport vaccinal - sans en considérer les enjeux éthiques-, les émissions de gaz à effet de serre repartent à la hausse, de nouveaux variants de la Covid-19 s’étendent et font des ravages partout dans le monde, les partis politique de droite conservatrice et nationaliste voient leur popularité augmenter drastiquement en occident, tout cela alors que des milliardaires s’amusent à se faire la course à l’espace.
L’idée de faire un numéro sur la pandémie est née à l’automne 2020, alors que nous étions dans la deuxième vague de la pandémie et que les mesures sanitaires devenaient de plus en plus restrictives et discriminatoires. Un an plus tard, il nous semble toujours aussi pertinent de questionner les enjeux et problématiques que la pandémie a mis en lumière, créés et renouvelés. Ces réflexions, critiques et questionnements sont peut-être encore plus pertinents aujourd’hui, alors qu’il est permis d’entrevoir une sortie de crise prochaine. Les décisions prises durant la pandémie par les personnes en situation de pouvoir à différentes échelles n’ont pas fini d’être remises en question. Leur portée est loin d’être synonyme du retour à une situation de « normalité » souhaitable pour tous et toutes. Les classiques appels au regroupement et à la solidarité de la part des dirigeant-e-s dans les temps difficiles n’effacent jamais les causes profondes des crises qu’illes contribuent à alimenter. La gestion de la société « en bon père de famille » n’est qu’un discours paternaliste évoqué pour que ces appels ne remettent jamais en question les privilèges bien établis et les rapports de domination.
Pour plusieurs, la solitude imposée par le confinement nous amène à constater à quel point nous sommes en décalage - volontaires ou non - avec différentes sphères de la société. Alors que nous devons composer avec un réseau absent, des logements inadéquats et des attentes irréalistes de nos employeurs, nous devons naviguer au travers des «ça va bien aller» scandés par les dirigeant.e.s politiques et les plus privilégié·e·s de notre société. Ces inégalités présentes même dans l’isolement nous confrontent plus largement à ce qui nous est inaccessible: soins de santé, éducation, soutien des proches et droit à la dissidence.
Nous vous proposons de prendre un temps pour réfléchir à différents enjeux entourant cette situation de crise inédite, mais pas si exceptionnelle. Si la crise sanitaire mondiale a certainement été exacerbée par une privatisation passée des moyens de production et de distribution des médicaments, elle approfondit des situations de crise déjà existantes. Tandis qu’une analyse de la situation actuelle à l’aide des études queer nous permet de faire des liens avec la pandémie de VIH/sida et les oppressions vécues par la communauté LGBTQ+, il est démontré que le contexte sanitaire actuel sert de prétexte pour une offensive des mouvements anti-choix et pour restreindre davantage l’accès à l’avortement, pour approfondir la précarité des migrant·e·s en situation irrégulière et durcir la répression à l’encontre de leur mobilité, ainsi que pour élargir les systèmes de surveillance de la population. Parmi ses effets notables, la pandémie a mis à nu les liens entre la précarité matérielle et la contamination, ainsi que la prépondérance d’une conception autoritaire et utilitariste de l’éducation dans le système scolaire. La pandémie a aussi permis de réfléchir au fonctionnement de nos bulles familiales et au droit à déconnexion, et a remis de l’avant la nécessité de résister aux systèmes de pouvoir en solidarité avec les personnes vivant différentes formes d’oppression. En complément, parce que les différentes oppressions ne prennent pas de pause en temps de crise, nous vous partageons une réaction sur la non-abrogation par la cour de la loi 21 par une des personnes qui en est affectée. Ce témoignage prend une signification renouvelée alors que, tel qu’anticipé, la première application de cette loi vise une femme musulmane portant le voile.
La mise en œuvre de ce tout premier numéro d’Aléas en plein confinement était un projet ambitieux: nous tenons donc à remercier toutes les personnes ayant réussi à produire des textes ou œuvres dans ce contexte singulier et avouons-le, déprimant.
Le comité éditorial d’Aléas