Contrastes socio-territoriaux et contamination au coronavirus

Par Guillaume Proulx

Les liens entre la précarité économique et la contamination à la Covid-19 ont rarement été mentionnés et analysés par les médias de masse durant la pandémie. Pourtant, les contrastes socio-économiques que l’on retrouve entre des territoires démontrent une corrélation entre les conditions de vie de la population et leur santé. Sur la seule base des revenus médians d’un quartier sur l’île de Montréal, on constate que lorsque les revenus sont bas, la contamination au coronavirus est élevée. Par exemple, au printemps 2021, les villes de banlieue de Senneville, Sainte-Anne-de-Bellevue et Baie-d’Urfé (à l’extrême ouest de l’île) présentent un taux de 2388,7, 2662,4 et de 2197,2 cas par 100 000 personnes respectivement, tandis que les arrondissements populaires montréalais de Montréal-Nord, Saint-Léonard et Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension (à l’est) présentent un taux de contamination à la Covid-19 de 10 247,6, 9511,5 et 7233,1 cas par 100 000 personnes respectivement, ce qui est près de 4 fois supérieur en moyenne.

Taux de contamination cumulatif à la Covid-19 sur l'île de Montréal pour 100 000 personnes, par arrondissement ou ville liée (mai 2021)

Taux de contamination cumulatif à la Covid-19 sur l’île de Montréal pour 100 000 personnes, par arrondissement ou ville liée (mai 2021)

Même avant la pandémie, on constate déjà un écart de près de neuf ans dans l’espérance de vie à la naissance entre les populations de l’ouest et de l’est de l’île de Montréal, où des taux plus élevés de cancer et de maladies chroniques seraient causés par des conditions de vie inférieures dans l’est (Brassard, 2016). Du nombre, on compte un accès plus difficile à des aliments frais et à des installations sportives, un grand nombre de logements trop petits ou insalubres ainsi qu’un milieu de vie généralement plus pollué. Mentionnons qu’une proportion importante de la population des quartiers populaires occupe des emplois précaires dans les domaines de la transformation ou des services qui n’offrent pas un salaire élevé et qui n’ont pas pu être transférés en télétravail durant la pandémie.

« Dans de telles conditions, les quartiers ouvriers et populaires connaissent les taux de contamination les plus graves de la province depuis le printemps 2020. Ces quartiers, où habitent un grand nombre de préposé.es aux bénéficiaires, d’infirmier.ères, de travailleur.euses des secteurs secondaire et tertiaire, des quartiers où vivent de nombreux.euses travailleur.euses migrant.es et sans-papiers, les plus touchés par la pandémie, sont paradoxalement (mais sans surprise) les plus négligés par les pouvoirs provinciaux et municipaux. Au printemps 2020, Le Devoir révèle que les quartiers Saint-Michel, Montréal-Nord et Rivière-des-Prairies à Montréal sont les quartiers les plus touchés par le coronavirus. À la même période, le quartier Parc-Extension connaît une hausse fulgurante des cas de COVID-19. Le même article du Devoir rapporte qu’à Montréal-Nord, 40 % des cas de coronavirus sont directement liés aux travailleur.euses de la santé et des CHSLD. Un grand nombre de résident.es de Parc-Extension travaillent quant à eux dans le secteur agricole – lui aussi durement touché par le virus – et dans le secteur de la transformation alimentaire, alors que les logements du quartier sont souvent trop petits pour accueillir les familles qui y vivent. Conditions de travail non sécuritaires et proximité dans les milieux de vie deviennent vite les raisons évidentes de la contamination qui affecte les travailleur.euses et les quartiers populaires, loin du fantasme des « vilain.es fêtard.es » sensé.es être la cause principale de la propagation du virus. Face à cette situation, bien peu est proposé par le gouvernement provincial afin d’aider les travailleur.euses précaires, les locataires paupérisé.es ou les personnes marginalisé.es, entre autres. L’incurie des administrations provinciales comme municipales a forcé des citoyen.nes bénévoles à prendre en charge la prévention, la distribution de masques, le dépistage ou encore l’aide alimentaire. À Montréal-Nord, ce sont des bénévoles (lié.es aux organisations de quartier Hoodstock, Paroles d’excluEs et Un itinéraire pour tous notamment) qui se sont occupé.es de la sensibilisation ainsi que de la distribution de matériel de protection individuelle et de denrées alimentaires » (Archives révolutionnaires, 2021).

Pour en apprendre davantage sur les causes structurelles de la crise sanitaire actuelle au Québec, je vous invite à consulter l’article d’Archives révolutionnaires dont est tirée la citation ci-dessus.

Références